Cette étude explore les interactions complexes entre l'intelligence artificielle (IA), les réseaux sociaux numériques et les émotions humaines dans le contexte de l'action climatique. Les auteurs soulignent que les avancées technologiques, notamment les systèmes de recommandation, les bots sociaux et l'IA générative (GenAI), influencent la perception et l'engagement émotionnel des individus face aux changements climatiques. Ils proposent un cadre conceptuel reliant les émotions individuelles et collectives à l'action climatique, tout en identifiant trois domaines prioritaires pour la recherche future :
- Les relations entre les émotions induites par les médias numériques et les comportements climatiques ;
- Les effets des systèmes algorithmiques sur les émotions ;
- Les applications directes de l'IA pour susciter des réponses émotionnelles favorables à l'action climatique comme les défis méthodologiques, éthiques et légaux liés à ces technologies.
Changement climatique et émotions
Les émotions jouent un rôle fondamental dans les processus de prise de décision et d'action collective, notamment en ce qui concerne la lutte contre le changement climatique. Elles influencent profondément la manière dont les individus perçoivent les risques environnementaux, soutiennent ou non des politiques publiques visant à atténuer ces risques, et s'engagent dans des actions proactives pour protéger l'environnement. Par exemple, des émotions comme la peur face aux catastrophes climatiques imminentes, la colère devant l'inaction politique, ou encore l'espoir suscité par des initiatives positives peuvent motiver ou décourager des comportements spécifiques liés au climat. Ces réponses émotionnelles façonnent également la perception des futures générations, ainsi que des espèces non humaines, amplifiant un sentiment d'empathie envers ceux qui sont directement affectés par les dérèglements environnementaux.
De plus, certaines mécanismes psychologiques tels que l'affectivité prédictive (la capacité des individus à anticiper leurs futurs états émotionnels), la congruence des valeurs (où les émotions s'alignent avec les valeurs personnelles et identitaires) et l'activation des normes sociales (où les émotions sont amplifiées ou régulées par des dynamiques sociales et groupales) jouent un rôle crucial dans la mobilisation autour des questions climatiques. Une autre caractéristique importante est la temporalité immédiate , où les émotions sont souvent plus fortement déclenchées par des menaces vives et proches que par des risques abstraits et à long terme. Cette particularité peut conduire à une sous-estimation des dangers climatiques à long terme, retardant ainsi les actions nécessaires.
Évolution technologique
L'évolution rapide des technologies numériques, y compris l'expansion des réseaux sociaux et les avancées significatives dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA), a transformé radicalement la manière dont les émotions collectives sont diffusées et amplifiées. Les plateformes de réseaux sociaux ont permis une communication instantanée, virtuelle et sans frontières, facilitant ainsi une propagation rapide des informations sur les événements climatiques tels que les incendies, les inondations et les sécheresses. Ces médias numériques ne se contentent pas de diffuser des informations factuelles; ils permettent aussi une diffusion massive des émotions collectives, créant des spirales émotionnelles positives ou négatives qui influencent les attitudes et les comportements à grande échelle.
Parallèlement, l'intégration croissante de l'IA dans ces plateformes a permis de nouveaux types d'interactions humaines et algorithmiques. Les systèmes de recommandation alimentés par des algorithmes d'apprentissage automatique influencent la structure des réseaux sociaux numériques et modulent la diffusion du contenu émotionnel. De même, l'émergence des bots sociaux, qui sont des comptes automatisés capables de générer et partager du contenu en ligne, a ajouté une nouvelle couche de complexité dans la manière dont les émotions sont manipulées et amplifiées. Enfin, les capacités de l'IA générative (GenAI) permettent désormais de produire à grande échelle des contenus synthétiques hautement réalistes, capables de susciter des réponses émotionnelles ciblées chez les utilisateurs.
Ces technologies façonnent ainsi la perception et la réaction des individus face aux crises climatiques, en amplifiant certaines émotions et en marginalisant d'autres. Elles posent également des défis importants en termes de régulation et d'éthique, car leur potentiel à influencer les jugements et comportements humains soulève des questions cruciales sur l'intentionnalité, la transparence et le consentement.
Émotions et action climatique
Les émotions jouent un rôle central dans la prise de décision et l'action collective, notamment en ce qui concerne le changement climatique. Elles influencent profondément la manière dont les individus perçoivent les risques environnementaux, soutiennent ou non des politiques publiques visant à atténuer ces risques, et s'engagent dans des actions proactives pour protéger l'environnement. Des émotions comme la peur face aux catastrophes climatiques imminentes, la colère devant l'inaction politique, ou encore l'empathie suscitée par des initiatives positives peuvent motiver ou décourager des comportements spécifiques liés au climat. Ces réponses émotionnelles façonnent également la perception des futures générations, ainsi que des espèces non humaines, amplifiant un sentiment d'empathie envers ceux qui sont directement affectés par les dérèglements environnementaux.
Ces émotions sont souvent amplifiées par plusieurs mécanismes psychologiques clés :
- La congruence des valeurs : Les émotions s'alignent avec les valeurs personnelles et identitaires des individus, renforçant ainsi leur engagement à agir. Par exemple, une personne qui valorise la durabilité sera plus susceptible de ressentir de la colère face à des pratiques destructrices pour l'environnement.
- L'activation des normes sociales : Les émotions sont amplifiées ou régulées par des dynamiques sociales et groupales. Par exemple, lorsque des membres d'un groupe manifestent de la colère face à une politique environnementale inefficace, cette émotion peut se propager et inciter d'autres membres du groupe à adopter un comportement similaire.
- La temporalité immédiate : Les émotions sont généralement plus fortement déclenchées par des menaces vives et proches que par des risques abstraits et à long terme. Cette caractéristique peut conduire à une sous-estimation des dangers climatiques à long terme, retardant ainsi les actions nécessaires.
Enfin, les émotions liées au changement climatique contiennent une dimension intergénérationnelle et interspécifique qui les rend distinctes des autres domaines. En d'autres termes, les individus ne ressentent pas seulement de l'inquiétude ou de l'empathie pour eux-mêmes et leurs proches, mais aussi pour les générations futures et les espèces non humaines.
Réseaux sociaux numériques
Les plateformes de réseaux sociaux ont transformé radicalement la manière dont les émotions collectives sont diffusées et amplifiées. Ces plateformes permettent une communication instantanée, virtuelle et sans frontières, facilitant ainsi une propagation rapide des informations sur les événements climatiques tels que les incendies, les inondations et les sécheresses. Ces médias numériques ne se contentent pas de diffuser des informations factuelles ; ils permettent aussi une diffusion massive des émotions collectives , créant des spirales positives ou négatives d'engagement climatique.
Les réseaux sociaux influencent également les attitudes et comportements à grande échelle en modulant la structure des interactions sociales. Par exemple, les algorithmes de recommandation et les bots sociaux façonnent la manière dont les utilisateurs accèdent à l'information, amplifiant certaines émotions et marginalisant d'autres. De plus, les interactions anonymisées et dépourvues de contact visuel sur ces plateformes peuvent amplifier la compétition entre groupes, exacerbant ainsi les polarisations émotionnelles.
IA et émotions
L'intelligence artificielle (IA) est de plus en plus utilisée pour analyser et produire du contenu émotionnel, souvent dans le but de maximiser l'engagement des utilisateurs. Cela inclut plusieurs technologies avancées :
- Les systèmes de recommandation : Ces systèmes, souvent alimentés par des algorithmes d'apprentissage automatique, influencent la structure des réseaux sociaux numériques et modulent la diffusion du contenu émotionnel. Par exemple, des algorithmes peuvent prioriser des contenus chargés émotionnellement pour maintenir l'attention des utilisateurs.
- Les bots sociaux : Ces comptes automatisés sont capables de générer et partager du contenu en ligne, souvent dans le but de manipuler les émotions humaines. Ils peuvent être utilisés pour des campagnes d'influence sophistiquées, amplifiant des positions opposées dans les débats sur le climat.
- L'IA générative (GenAI) : Les modèles comme ChatGPT permettent de produire à grande échelle des contenus synthétiques hautement réalistes, capables de susciter des réponses émotionnelles ciblées chez les utilisateurs. Par exemple, des images ou vidéos générées par IA peuvent être utilisées pour amplifier des messages climatiques, qu'ils soient authentiques ou trompeurs.
Ces technologies posent des défis importants en termes de régulation et d'éthique, car leur potentiel à influencer les jugements et comportements humains soulève des questions cruciales sur l'intentionnalité, la transparence et le consentement.
Cadre théorique
Le texte s'appuie sur plusieurs cadres théoriques pour analyser les interactions complexes entre les émotions, les réseaux sociaux numériques et l'IA dans le contexte de l'action climatique :
1. Psychologie des émotions
Les émotions sont définies comme des entités conceptuelles issues des interactions cerveau-corps-environnement. Elles incluent des états affectifs tels que la colère, la joie, la tristesse et la peur. Dans le contexte climatique, les émotions jouent un rôle clé dans la mobilisation collective et la prise de décision. Par exemple, la peur des catastrophes climatiques peut motiver des actions proactives, tandis que le désespoir face à l'ampleur du problème peut décourager toute forme d'engagement.
2. Théorie des réseaux sociaux
Les émotions collectives émergent des dynamiques émotionnelles entre individus répondant à une même situation. Dans les réseaux sociaux numériques, ces dynamiques sont amplifiées par des mécanismes technologiques tels que les algorithmes de recommandation et les bots sociaux. Par exemple, lorsqu'un événement climatique majeur survient, les réactions émotionnelles des utilisateurs peuvent se propager rapidement, créant des spirales d'engagement positif ou négatif.
3. Études sur l'IA et les médias
L'IA est analysée comme un outil capable d'influencer les jugements émotionnels et les comportements humains. Les technologies telles que les systèmes de recommandation, les bots sociaux et l'IA générative permettent de produire et diffuser du contenu émotionnel à grande échelle. Ces technologies façonnent ainsi la manière dont les individus perçoivent et réagissent aux crises climatiques, tout en posant des défis éthiques et légaux majeurs.
En combinant ces cadres théoriques, le texte propose une analyse approfondie des implications de l'IA et des réseaux sociaux numériques sur les émotions humaines et, par conséquent, sur l'action climatique.
Bien que cette étude ne repose pas sur une méthodologie expérimentale stricte, il adopte une approche analytique conceptuelle qui s'appuie sur plusieurs éléments clés pour explorer les interactions entre les émotions humaines, les technologies numériques et l'action climatique. Cette démarche vise à fournir une compréhension holistique des dynamiques en jeu, tout en reconnaissant ses limites méthodologiques.
1. Revue sélective de la littérature pertinente
Les auteurs procèdent à une revue sélective de la littérature académique existante pour identifier les tendances, théories et études pertinentes dans trois domaines principaux :
- Les émotions et leur rôle dans la prise de décision collective , notamment dans le contexte du changement climatique. Par exemple, ils mobilisent des travaux sur les mécanismes psychologiques tels que la congruence des valeurs, l'activation des normes sociales et la temporalité immédiate.
- L'influence des réseaux sociaux numériques sur la diffusion et l'amplification des émotions collectives. Les études citées montrent comment les algorithmes de recommandation et les bots sociaux façonnent les flux d'information et modulent les réponses émotionnelles.
- L'émergence des technologies d'intelligence artificielle (IA) , y compris l'IA générative (GenAI), dans la production de contenu émotionnel à grande échelle. Les auteurs explorent également les implications éthiques et légales de ces avancées technologiques.
Cette revue sélective permet de contextualiser les phénomènes observés tout en reliant les concepts théoriques aux réalités contemporaines.
2. Exemples concrets pour illustrer les dynamiques
Pour rendre leurs arguments plus tangibles, les auteurs intègrent des exemples concrets tirés de cas réels. Parmi ceux-ci, l'exemple des inondations dévastatrices en Espagne en 2024 est particulièrement éclairant. Ces événements tragiques, qui ont fait plus de 200 victimes, ont suscité une vague d'émotions collectives amplifiée par les réseaux sociaux. Les hashtags comme #EjercitoYA ont permis de diffuser rapidement des sentiments de colère, de tristesse et de solidarité, non seulement au niveau national mais aussi international. Cet exemple illustre comment les plateformes numériques facilitent la propagation des émotions à grande échelle, créant ainsi des spirales émotionnelles positives ou négatives.
D'autres exemples incluent l'utilisation de contenus générés par l'IA, comme des images ou vidéos synthétiques liées aux catastrophes climatiques (par exemple, les ouragans Milton et Helene aux États-Unis en 2024), qui ont contribué à la diffusion de désinformation et exacerbé les réponses émotionnelles. Ces cas mettent en lumière les risques associés à l'utilisation malveillante des technologies numériques dans le contexte climatique.
3. Cadre analytique intégré
Le texte propose un cadre analytique novateur qui relie trois dimensions clés :
- Les technologies numériques , y compris les réseaux sociaux, les algorithmes de recommandation, les bots sociaux et l'IA générative. Ces technologies jouent un rôle central dans la diffusion des émotions et influencent les perceptions individuelles et collectives.
- Les mécanismes psychologiques , tels que la prévision affective, la congruence des valeurs et l'activation des normes sociales. Ces mécanismes expliquent comment les émotions sont déclenchées, amplifiées et transformées en actions concrètes.
- L'action climatique , qui est influencée par les deux dimensions précédentes. Les auteurs soulignent que les émotions, qu'elles soient positives (espoir, empathie) ou négatives (colère, peur), peuvent motiver ou décourager l'engagement pro-climatique.
Ce cadre analytique est illustré visuellement dans le texte (Fig. 1), montrant comment les interactions entre ces dimensions se déroulent dans un contexte socio-technologique en constante évolution.
Limitations méthodologiques
Malgré son approche rigoureuse, le texte reconnaît plusieurs limitations méthodologiques qui méritent d'être explorées :
- Difficulté de différencier les intentions comportementales des actions réelles : Les études basées sur des données en ligne (par exemple, les partages ou commentaires sur les réseaux sociaux) ne permettent pas toujours de conclure que les émotions exprimées se traduisent par des actions concrètes dans le monde réel.
- Manque de mesures robustes des émotions : Il est souvent difficile de quantifier avec précision les émotions humaines, surtout lorsqu'elles sont analysées à travers des interactions numériques. Les méthodes actuelles, bien qu'enrichies par des outils d'analyse automatisée, restent imparfaites.
- Complexité des causalités : Les relations entre les technologies numériques, les émotions et l'action climatique sont multidimensionnelles et contextuelles, rendant difficile l'établissement de liens causaux directs.
Les auteurs soulignent également que l'accès aux données provenant des réseaux sociaux (comme Twitter/X) a été restreint récemment, ce qui limite la possibilité de mener des études systématiques à grande échelle. Ils proposent néanmoins des pistes pour surmonter ces défis, telles que l'utilisation de modèles basés sur des agents artificiels ou la combinaison de méthodes expérimentales et observationnelles.
En conclusion, cette méthodologie conceptuelle offre une base solide pour comprendre les interactions complexes entre les émotions, les technologies numériques et l'action climatique, tout en ouvrant la voie à de nouvelles recherches interdisciplinaires.
Principaux résultats
Propagation des émotions
Les réseaux sociaux numériques jouent un rôle central dans l'amplification des émotions collectives, créant des spirales positives ou négatives qui influencent l'engagement climatique. Ces plateformes permettent une propagation rapide et à grande échelle des émotions liées aux événements climatiques, tels que les inondations, les incendies ou les sécheresses. Par exemple, les inondations dévastatrices en Espagne en 2024 ont suscité des vagues d'émotions collectives – colère, tristesse, empathie – amplifiées par les hashtags comme #EjercitoYA sur Twitter/X, Instagram et Facebook. Ces émotions ne se limitent pas aux communautés locales ; elles se propagent également à des audiences internationales grâce à la nature borderless des médias numériques.
La propagation des émotions est influencée par plusieurs facteurs :
- Facteurs psychologiques : Les individus tendent à ressentir des émotions similaires lorsqu'ils sont exposés aux mêmes événements, renforçant ainsi les émotions collectives.
- Facteurs algorithmiques : Les systèmes de recommandation et les bots sociaux amplifient certaines émotions en priorisant des contenus chargés émotionnellement.
- Dynamiques sociales : Les interactions en ligne permettent aux groupes de se mobiliser autour d'émotions partagées, créant ainsi des spirales positives (par exemple, solidarité et action collective) ou négatives (par exemple, désespoir et inaction).
Ces mécanismes montrent que les réseaux sociaux peuvent être à la fois des catalyseurs pour l'action climatique et des vecteurs de polarisation émotionnelle.
Impact des algorithmes
Les systèmes de recommandation et les bots sociaux jouent un rôle clé dans la structuration des réseaux sociaux numériques et la diffusion du contenu émotionnel. Ces technologies façonnent non seulement la manière dont les utilisateurs accèdent à l'information, mais aussi la manière dont les émotions sont amplifiées ou marginalisées.
- Systèmes de recommandation : Ces algorithmes, souvent basés sur des techniques d'apprentissage profond, influencent la structure des réseaux en connectant des utilisateurs ayant des valeurs communes. Ils contribuent également à amplifier des contenus émotionnels spécifiques, tels que des messages alarmistes ou optimistes sur le changement climatique.
- Bots sociaux : Ces comptes automatisés sont capables de générer et partager du contenu en ligne à grande échelle. Ils peuvent être utilisés à des fins bénéfiques, comme la sensibilisation aux catastrophes climatiques, mais aussi pour manipuler les émotions humaines, par exemple en promouvant des discours climatosceptiques ou en exacerbant les divisions politiques.
Ces technologies posent des défis méthodologiques importants, notamment en termes de compréhension des boucles de rétroaction entre les algorithmes et les comportements humains. Elles soulignent également la nécessité de développer des approches multidisciplinaires pour analyser leurs impacts à long terme.
Rôle de l'IA générative
L'intelligence artificielle générative (GenAI), représentée par des modèles comme ChatGPT, Llama, Gemini ou Midjourney, permet de produire du contenu synthétique émotionnel à grande échelle. Ces modèles peuvent générer des textes, images, vidéos et sons hautement réalistes, souvent conçus pour susciter des réponses émotionnelles ciblées chez les utilisateurs. Par exemple, lors des ouragans Milton et Helene aux États-Unis en 2024, des images et vidéos générées par IA ont été largement diffusées, exacerbant les émotions telles que la peur et la colère.
Le potentiel de ces technologies pour influencer l'action climatique est considérable :
- Applications positives : La GenAI peut être utilisée pour créer des campagnes de sensibilisation engageantes, visant à renforcer l'empathie envers les générations futures, les espèces non humaines et les communautés affectées par le changement climatique.
- Risques potentiels : La production de contenu trompeur ou désinformatif à grande échelle peut également nuire à la perception publique et décourager l'action climatique.
Discussion
Implications positives
L'utilisation de l'IA pour renforcer l'empathie offre des opportunités significatives pour promouvoir l'action climatique. Par exemple :
- Empathie intergénérationnelle : Les chatbots alimentés par l'IA peuvent aider les individus à mieux comprendre les impacts futurs du changement climatique, renforçant ainsi leur engagement envers les générations futures.
- Empathie envers les espèces non humaines : Les technologies comme l'analyse bioacoustique permettent de mieux comprendre les émotions des animaux, favorisant ainsi des liens émotionnels plus forts avec la nature.
- Mobilisation collective : Les icônes politiques numériques, comme Greta Thunberg, illustrent comment les émotions peuvent être amplifiées par les médias numériques pour mobiliser des mouvements mondiaux en faveur du climat.
Ces applications montrent que l'IA peut jouer un rôle clé dans la sensibilisation et la mobilisation émotionnelle nécessaire pour répondre à la crise climatique.
Risques et défis
Cependant, l'utilisation de l'IA pour manipuler les émotions soulève des questions éthiques et juridiques majeures :
- Consentement et transparence : Les utilisateurs ne sont souvent pas conscients que leurs émotions sont ciblées par des algorithmes ou des contenus générés par IA. Cette absence de transparence peut être perçue comme une forme de manipulation psychologique.
- Polarisation et désinformation : La diffusion de contenu trompeur ou hyperémotionnel peut exacerber les divisions politiques et sociales, décourageant l'action collective.
- Impact à long terme : Les effets à long terme de l'exposition à des contenus émotionnels générés par IA restent mal compris, nécessitant des recherches supplémentaires pour évaluer leurs implications sur les comportements pro-climatiques.
En conclusion, bien que l'IA offre des opportunités uniques pour renforcer l'empathie et mobiliser l'action climatique, elle comporte également des risques significatifs qui doivent être soigneusement gérés. Une approche éthique et régulée est essentielle pour maximiser les avantages tout en minimisant les impacts négatifs.
Perspectives de recherche
Les auteurs mettent en lumière trois axes prioritaires pour orienter les recherches futures dans le domaine des interactions entre les émotions, les technologies numériques et l'action climatique. Ces perspectives visent à approfondir notre compréhension des dynamiques complexes qui sous-tendent ces phénomènes tout en répondant aux défis méthodologiques, éthiques et pratiques qu'ils soulèvent.
1. Explorer les relations causales entre les émotions induites par les médias numériques et les comportements climatiques
Une priorité majeure pour la recherche future consiste à mieux comprendre les liens causaux entre les émotions suscitées par les médias numériques (tels que les publications sur les réseaux sociaux, les articles d'actualité en ligne ou les contenus synthétiques générés par l'IA) et les comportements pro-climatiques. Bien que ces médias puissent déclencher des réponses émotionnelles immédiates, il reste incertain dans quelle mesure ces expériences affectives ont des effets durables sur les comportements individuels et collectifs, ainsi que la manière dont ces effets varient selon les contextes culturels, politiques ou sociaux.
Des questions clés se posent dans ce cadre :
- Types de contenu : Quels types de contenus – images, vidéos, textes authentiques ou générés par l’IA, messages neutres ou négatifs – induisent des réponses émotionnelles spécifiques ? Par exemple, une image dramatique d’une catastrophe climatique est-elle plus efficace pour motiver l’action que des données factuelles présentées sous forme de graphiques ?
- Rôle de l’émetteur : L’émotion déclenchée dépend-elle de l’identité de l’émetteur (un membre de la famille, un utilisateur anonyme sur les réseaux sociaux, ou même un chatbot alimenté par l’IA) ?
- Comportements en ligne : Une émotion spécifique (par exemple, la colère ou l’espoir) se traduit-elle par des actions précises en ligne (partage, commentaire) et dans quelle mesure ces comportements sont-ils influencés par les prédispositions idéologiques des utilisateurs (libéraux, conservateurs, écologistes, etc.) ?
Ces interrogations nécessitent des études interdisciplinaires combinant des approches qualitatives et quantitatives, notamment des expériences contrôlées et des analyses de grandes bases de données issues des réseaux sociaux.
2. Analyser les interactions entre les systèmes algorithmiques et les émotions humaines
Un deuxième axe de recherche critique concerne l’analyse des interactions complexes entre les systèmes algorithmiques et les émotions humaines. Les effets des algorithmes sur les émotions sont loin d’être simples à isoler, car ils impliquent des boucles de rétroaction entre les utilisateurs, les plateformes et les technologies elles-mêmes. Cette problématique soulève plusieurs défis méthodologiques et conceptuels.
Les questions centrales incluent :
- Effets à long terme : Comment les systèmes algorithmiques influencent-ils les émotions individuelles et collectives à long terme ? Par exemple, les algorithmes de recommandation amplifient-ils certaines émotions au détriment d’autres, créant ainsi des spirales positives ou négatives d’engagement climatique ?
- Types de technologies : Quelles technologies spécifiques (bots sociaux, algorithmes de classement, production de contenu synthétique) méritent une attention particulière, et à quelles échelles (expériences contrôlées vs. événements internationaux) doivent-elles être étudiées ?
- Contexte spécifique : Dans quelle mesure les impacts des algorithmes varient-ils selon les contextes socioculturels ou politiques ? Par exemple, un algorithme qui amplifie des discours alarmistes pourrait avoir des effets différents dans des sociétés caractérisées par une forte polarisation politique par rapport à des sociétés plus consensuelles.
Pour répondre à ces questions, les chercheurs devront développer de nouvelles méthodes et approches multidisciplinaires, telles que les modèles basés sur des agents artificiels ou les analyses en réseau, afin de démêler les connexions complexes entre les émotions et les comportements humains médiatisés par les technologies numériques.
3. Évaluer les applications directes de l’IA pour susciter des réponses émotionnelles favorables à l’action climatique
Enfin, un troisième axe de recherche vise à explorer les applications directes de l’intelligence artificielle pour susciter des réponses émotionnelles spécifiques qui pourraient encourager l’action climatique. Cela inclut des initiatives innovantes telles que :
- Le développement de nouvelles formes de communication climatique augmentée par l’IA (par exemple, des campagnes de sensibilisation personnalisées).
- L’utilisation de technologies immersives (comme la réalité virtuelle ou augmentée) pour renforcer l’empathie envers les générations futures, les espèces non humaines ou les communautés touchées par le changement climatique.
Cependant, ces applications soulèvent des préoccupations éthiques et légales majeures. Induire intentionnellement des réponses émotionnelles à l’aide de technologies d’IA pourrait être perçu comme une forme de manipulation psychologique, en particulier si les utilisateurs ne sont pas conscients de l’usage de ces technologies. Par conséquent, toute tentative d’utiliser des technologies émotionnelles pour soutenir l’action climatique doit être accompagnée d’une réflexion approfondie sur leurs implications légales et éthiques.
Les questions émergentes incluent :
- Fiabilité et transparence : Dans quelle mesure les applications de l’IA pour analyser et influencer les réponses émotionnelles sont-elles fiables ? Comment garantir la transparence et l’équité dans leur utilisation ?
- Consentement : Comment obtenir un consentement éclairé des utilisateurs tout en minimisant les risques de manipulation psychologique ?
- Impact sociétal : Quels sont les effets secondaires potentiels de ces technologies sur les normes sociales, la confiance publique et les valeurs culturelles ?
Conclusion
Ces trois axes de recherche offrent des pistes prometteuses pour mieux comprendre et exploiter le potentiel des technologies numériques et de l’IA dans le contexte de l’action climatique. Ils soulignent également la nécessité d’adopter des approches interdisciplinaires et rigoureuses pour répondre aux défis méthodologiques, éthiques et pratiques qui se posent. En intégrant ces perspectives dans les agendas de recherche futurs, nous pourrons mieux saisir les opportunités et atténuer les risques associés à l’utilisation des émotions dans la lutte contre le changement climatique.